24 octobre 2018 – Conflit d’usage, bien commun et coopération
17 kms entre Saint Julien et Is-sur-Tille
Conflit d’usage, bien commun et coopération
Ce matin, nous recevions dans notre messagerie la lettre de Matthieu Ricard titrée « Se promener dans les bois sans craindre de se faire tirer dessus » que nous vous invitons à lire. Envoi très à propos car ces jours-ci, l’Observatoire de l’Implicite traverse des forêts pour lesquelles les interdictions aux randonneurs fleurissent, pour des questions de sécurité (et de responsabilité). Déjà l’an dernier, la mairie d’Is-sur-Tille avait pris un arrêté concernant la forêt communale : durant la saison de chasse, du 14 octobre au 25 février, l’accès à la forêt est interdit le dimanche à toute personne n’appartenant pas à la Société de chasse. Le journal local résumait les motivation du Conseil Municipal de la façon suivante : « Réduire les rencontres entre promeneurs et chasseurs pour améliorer la sécurité. »
Comme le si bien-nommé journal en question qui s’appelle « Le bien public », il nous semble que la forêt (domaniale et communale) est un bien public, un bien commun. La mission d’un Conseil Municipal n’est-elle pas de préserver les communs, plutôt que de satisfaire des intérêts particuliers ?
Le nombre de conflits d’usage liés au partage de l’espace ne cessent d’augmenter. Notre ami Joseph, néo-berger (voir son site Carnet de berger), en témoignait sur un réseau social : « Je peux te parler de ce que je vis en estive où l’activité pastorale est peu respectée voir harcelée par les promeneurs, quads, vtt, moto, chasseurs et autres activités de loisirs… Globalement la massification des pratiques est un problème et conduit a de forts conflits d’usage de l’espace. Il suffit de regarder la côte basque en plein été, sur une plage de 300m de long, tu as 7 écoles de surf, une zone réservée pour les baigneurs, une zone réservée pour les surfeurs, une zone réservée pour les écoles de surf… Deux logiques s’affrontent, l’une tendant à ne surtout rien toucher à la nature et l’autre à organiser l’usage de ces espaces. »
Les conflits d’usage existent bien sûr et Joseph a raison de souligner qu’ils augmenteront avec la mobilité. Les délibérations telles que celle d’Is-sur-Tille sont simplement l’expression d’une incapacité absolue à traiter ces questions. L’américaine Elinor Ostrom, première femme à recevoir le prix Nobel d’économie en 2009, a travaillé toute sa vie sur la gestion des biens communs. Son travail a montré que seule l’action collective, la coopération de tous les acteurs et leur auto-organisation adaptée à chaque fois au contexte local, permet de faire respecter ces communs.
Tant que nous n’aurons pas atteint la maturité coopérative suffisante pour gérer les conflits d’usage, les règlementations et les interdictions fleuriront, au risque qu’elles soient simplement dictées par les lobbies les plus puissants, sans prise en compte de la notion d’intérêt général ou de bien commun.
Une raison de plus pour poursuivre nos travaux sur le « comment coopérer ».
Légende :
- Au nord de Dijon, des terres nues, à perte de vue. Cette agriculture là ne prend pas en compte l’importance du principe d’action « Entre diversité et unité ».
- Anne, dans les couleurs d’automne.
- Les chapiteaux du portail de l’église de Gémeaux, XIIème siècle, chef d’œuvre de l’art roman.