5 novembre 2018 – Eurofence
5 novembre, Doulevant-le-Château – Rencontre avec les acteurs de :
Eurofence SCOP
Son action
Eurofence, créée en 1972, était à l’époque une entreprise familiale spécialisée dans les clôtures de chasse et d’autoroute. Dès 1975, elle dépose un brevet pour la création du poteau à encoches, qui permet de réduire les temps de pose, sans vis ni boulons. En 2005, l’entreprise rejoint un groupe suédois, et est cédée en 2011 à un fonds de pension. Changements de stratégie, panne d’investissements et dividendes importants entraine une lente dégradation qui conduit en 2016 à la liquidation judiciaire. Les salariés se mobilisent, ainsi que l’ensemble de l’écosystème territorial. En décembre 2016, Eurofence est reprise par 63 salariés actionnaires. C’est la naissance de la 2ème SCOP en Haute-Marne. Dans un territoire fragile, dès 2017 Eurofence recrute 11 personnes : SCOP et Encore 😉
Ce qu’ils retiennent de la journée
Des résonances avec nos travaux
Avec tous les collectifs que nous rencontrons désormais, nous reprenons dans notre journal d’itinérance trois points clés que la rencontre a permis d’explorer et de questionner.
L’aventure d’Eurofence SCOP et les différentes phases vécues par ses protagonistes, entre l’annonce de la liquidation judiciaire et aujourd’hui illustrent très bien la dialogie entre lutter contre et aller vers. L’un des participants à la rencontre, appelons-le Jean, nous disait « Au début, j’en voulais à la terre entière. » A tel point que dans un premier temps, Jean décide de ne pas rejoindre l’aventure. Il arrive en effet que le « lutter contre » soit tellement fort, qu’il empêche l’ « aller vers ». Peu à peu, la transformation collective va se mettre en place, la SCOP se crée, et fait naître une perspective qui va permettre à Jean d’envisager un aller vers possible. C’est cette transformation collective qui va lui permettre la transformation de son propre regard. Aujourd’hui, non seulement Jean fait partie d’Eurofence, mais il en est un élément important, illustrant bien cette récursion « transformation personnelle – transformation sociale »: l’une est à la fois la cause et la conséquence de l’autre.
L’un des défis majeurs réussis par Eurofence SCOP est d’avoir amené progressivement chacune des 82 personnes salariées au moment de la liquidation à se positionner personnellement, à faire son propre choix, « je pars, ou je reste. » L’un des participants évoquait la difficulté, mais aussi l’importance, de « passer de la confiance à Mathieu [Note : qui a porté le projet de reprise] à mon propre libre-arbitre ». Il y a quelques jours, nous écrivions une chronique Le principe de Bertil : d’abord il faut donner, ensuite il faut laisser prendre. Nous voyons beaucoup d’environnement dans lesquels des dirigeants ou des leaders imaginent que certains ne sont pas en capacité, à cause de leur rôle, de leur manque de compétences ou de confiance en eux, à construire et habiter pleinement cet espace de décision. Au contraire, nous croyons que dans cet espace où chacun a été amené à construire le sens qu’avait pour lui de rester ou de partir, réside un des facteurs clés de réussite. La responsabilité des leaders n’est pas de penser pour l’autre, mais d’aider chacun à acquérir les moyens nécessaires pour être en mesure de décider par lui-même ce qu’il y a lieu de faire.
Troisième élément : la contagion ! Nous faisons souvent référence aux travaux du mathématicien Robert Axelrod qui a montré que la coopération pouvait devenir le modèle dominant même dans un environnement initialement non-coopératif, et être ainsi contagieuse au sein d’un groupe humain. Notre rencontre a mis effectivement en évidence des signes de contagion : de l’écosystème territorial qui s’est mis en place pour permettre à l’opération de réussir, aux habitants du village qui tirent fierté et force de l’aventure, en passant par les clients d’Eurofence qui sont tous rester aux côtés de l’entreprise. La contagion dans l’espace est évidente. Le défi maintenant, c’est la contagion dans le temps : permettre le renouvellement permanent du système coopératif pour permettre, dans 20 ans, le départ à la retraite sans à-coup des salariés-associés d’aujourd’hui.