7 novembre – Nouvelle Equation à Joinville
7 novembre, Joinville (Haute-Marne) – Rencontre avec les acteurs de :
Nouvelle Equation
Son action (extraits du compte-rendu du Conseil Municipal du 13 février 2018)
Véritable fléau de notre société, le chômage touche à Joinville plus de 20% de la population active. Derrière les chiffres se cachent souvent des parcours de vie difficiles, des personnes dont la situation sociale et économique handicape durablement l’accès à un emploi. Pour combattre le chômage de longue durée, Joinville se doit d’innover. Des réponses sont à trouver dans l’économie sociale et solidaire, secteur soucieux de replacer l’épanouissement des personnes et le développement des territoires au centre de l’activité économique. Plus particulièrement, la mise en œuvre du projet « territoire zéro chômeur de longue durée » constitue une réelle opportunité pour notre territoire. Monsieur le Maire expose le projet : il s’agit de créer une « entreprise à but d’emploi » qui sera chargée de proposer un CDI à temps choisi à toutes les personnesvolontaires du territoire, en recherche infructueuse d’emploi depuis une longue durée. Cette entreprise devra développer des activités non concurrentielles, répondant à des besoins non satisfaits sur le territoire. Les emplois créés seront financés par la réorientation des coûts de la privation d’emploi (dépenses sociales, manque à gagner en cotisations et impôts, coûts induits sur la santé, etc.), si bien que chacun des postes créés pourra bénéficier d’un abondement à hauteur de 70% de la part d’un fond national dédié, lui-même alimenté, en roulement, par la réallocation des ressources affectées actuellement à la gestion globale du chômage de longue durée. Monsieur le Maire souligne que ce projet peut permettre aux joinvillois les plus paupérisés de renouer avec un emploi stable, condition essentielle à la revitalisation économique de Joinville. Monsieur le Maire précise que le portage du projet à Joinville doit être confié à l’association « Nouvelle Equation », qui réunit divers acteurs locaux, tels que des entreprises (Ferry Capitain, Buguet..) ou encore des association (ARIT, oh’IS…). Cette association sera ainsi chargée, avec l’aide de la Ville, de présenter la candidature de notre territoire à la prochaine expérimentation, qui s’ouvrira dans le courant de l’année 2019. Le portage associatif dudit projet revêt plusieurs avantages : Identifier un porteur de projet unique, doté d’une existence juridique propre et capable de porter des demandes de subventions, Rassembler et impliquer les forces vives du territoire et créer une synergie collective en faveur du projet, Préfigurer la création d’une entreprise à but d’emploi sous la forme coopérative, à partir de 2019 (l’association pourra se transformer en coopérative et ainsi devenir l’entreprise à but d’emploi), Collecter des dons défiscalisables (à 66%). Enfin, Monsieur le Maire précise qu’une association nationale est chargée d’accompagner les territoires volontaires pour mettre en œuvre le projet. Elle est également chargée de travailler en vue de l’élaboration de la prochaine loi autorisant le lancement du projet sur les territoires volontaires. L’adhésion à cette association permettrait de positionner Joinville comme territoire éligible, tout en bénéficiant du soutien d’un réseau composé d’experts et de villes rencontrant les mêmes problématiques que Joinville. Après en avoir délibéré, les membres du Conseil Municipal décident, à l’unanimité d’approuver la mise en place du projet « Territoire Zéro Chômeur de longue Durée » à Joinville […].
Ce sont des acteurs de Nouvelle Equation (entrepreneurs, habitants, chargé de mission TZCLD et personnes privées d’emploi…) que l’Observatoire de l’Implicite rencontre aujourd’hui.
Ce qu’ils retiennent de la journée
Des résonances avec nos travaux
Avec tous les collectifs que nous rencontrons désormais, nous reprenons dans notre journal d’itinérance trois points clés que la rencontre a permis d’explorer et de questionner.
Notre rencontre de Joinville fait partie de ces rencontres dont nous ressortons émus par la profondeur des témoignages, et riches de leurs enseignements. Reprenons trois points clés.
Jack illustre bien dans la vidéo la dialogie entre « ce que nous sommes et ce que nous voulons être ». Pendant la journée, il nous dit « Je fais partie de Nouvelle Équation, mais mon monde à moi, c’est l’ancienne équation ! ». Il parle de celle où les modes de décision sont verticaux, où la rentabilité du travail est la principale (la seule ?) préoccupation, où la priorité est la recherche du profit. Il ajoute « C’est mon background. Ça fait partie de moi. Ça prend de la place. » Ce faisant, il accepte l’idée qu’il puisse y avoir un écart entre son intention, liée à son adhésion au projet de Nouvelle Équation et son comportement, lié aux pilotes automatiques qu’il a développés durant sa carrière de dirigeant d’entreprise. Cette clairvoyance est précieuse. Elle permettra effectivement d’assumer consciemment le caractère profondément transformationnel de l’initiative Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée. Développer cette lucidité, cette clairvoyance, nécessite de pratiquer régulièrement l’introspection, individuelle et collective.
La vidéo le montre bien : tous les acteurs de Nouvelle Équation sont associés à l’action comme à la réflexion. Parfois dans les organisations, il y a ceux qui « pensent », et ceux qui « agissent ». Lorsque ce ne sont pas les mêmes personnes, celles qui « pensent » peuvent être en dehors de la réalité, et celles qui « agissent » peuvent ne pas comprendre le sens de leur action. Agir et penser ensemble est l’un des prérequis d’un système coopératif en bonne santé. Par exemple, les acteurs de Nouvelle Équation soulignent qu’il est plus facile de faire correspondre les besoins du territoire et les compétences des personnes privées d’emploi parce que chacun est impliqué dans l’agir et dans le penser. À tel point d’ailleurs que l’initiative nous a été présentée à plusieurs occasions, à chaque fois par ses bénéficiaires et non par ses initiateurs pourtant présents, et des bénéficiaires différents, preuve de l’appropriation que « agir et penser ensemble » rend possible. A un moment de notre rencontre, Grégory s’interroge : « Suis-je co-auteur ? (silence)… Oui, je crois que oui. »
Dans son ouvrage qui vient de sortir « L’impasse collaborative ; Pour une véritable économie de la coopération » l’économiste Eloi Laurent positionne la coopération comme le fait d’être pédagogues les uns des autres. La question de l’apprentissage, et de l’apprentissage croisé est sensible dans la vidéo ci-dessus. Elle a été omniprésente tout au long de la rencontre. À un moment ce matin, Grégory disait combien sa participation à Nouvelle Équation lui permettait d’apprendre, et combien cela lui « faisait du bien, et lui donnait confiance ». De façon étonnante, il a alors spontanément fait un tour des personnes autour de la table, citant pour chacune un exemple de ce qu’elle lui avait permis d’apprendre. Lors de nos itinérances, nous avons observé que les collectifs à forte maturité coopérative sont des collectifs au sein desquels chacun est à la fois sachant et apprenant : en coopérant ils apprennent les uns des autres, et ce faisant, renforcent leur coopération.