Ingénierie de Processus
Les initiatives qui s’inscrivent dans un écosystème complexe nécessitent de passer d’une ingénierie de projet à une ingénierie de processus (voir Le socle InsTerCoop pour faire vivre des écosystèmes coopératifs). Le schéma ci-après expose les trois mouvements qui la structurent.

Complexifier
Le plus souvent, le point de départ est une « demande initiale ». Celle-ci a été souvent longuement réfléchie par le commanditaire, qui la présente dans son propre vocabulaire. Il y a fort à parier qu’il a pensé cette demande en mobilisant le paradigme de simplification, et que sa demande soit formulée avec le vocabulaire associé : décomposition en lot, objectifs, livrables, voire plan d’action.
Le premier mouvement de l’ingénierie de processus est de questionner la demande : quelle est la demande derrière la demande ? Dans ce 1er mouvement, il s’agit de complexifier la problématique, c’est-à-dire de relier ses différents éléments et ses différentes dimensions, en posant un regard dialogique, récursif et hologrammatique. Pour ce faire, il s’agit d’entrer en dialogue[1] (la parole qui traverse) avec le demandeur, de le questionner de manière réflexive et introspective pour l’amener à faire des liens. Sans oublier que l’essentiel est dans l’implicite : le dialogue doit permettre de visibiliser, voire expliciter ce qui est « entre les plis ».
Relier
Le second mouvement consiste progressivement, au cours du dialogue, à transformer la demande initiale en une formalisation de sa complexité. Peu à peu, la finalité (les finalités) derrière la demande va apparaître, de même que les intentions, ainsi que les enjeux sous-jacents. Entre finalité, intention et enjeu, ne cherchons pas de séquence linéaire. Là encore, les récursions sont à l’œuvre : les enjeux peuvent modifier la finalité, faisant surgir de nouvelles intentions qui créent de nouveaux enjeux… Le processus de dialogue avec le commanditaire va peu à peu se stabiliser autour d’un triptyque stable (dans l’instant), qui peut alors constituer la « boussole » commune.
Simplifier
Le troisième mouvement consiste à trouver l’équilibre entre orienter l’action et tenir compte de l’incertitude. Pour habiter la dialogie entre prévision et incertitude, nous utilisons un autre triptyque dynamique Principe, Stratégie, Déroulé. Les principes sont les règles (de conduite, de fonctionnement…) qui devront orienter l’action et répondre aux enjeux. « La stratégie est un exercice de créativité durant lequel ou imagine des scénarios différents et multiples avant de décider.[2] » C’est un exercice qui consiste à faire avec ce que l’on a, à simplifier tout en complexifiant, à changer de direction en fonction des informations reçues, à reconsidérer ses connaissances, à revoir ses décisions. « Alors que la planification est une tentative de maîtrise de la réalité, la stratégie est un processus d’adaptation permanente à une réalité évolutive jamais totalement prévisible ni maîtrisable. »[3] Le déroulé est la succession des différentes actions à mettre en œuvre.
Circularité
Ces trois mouvements, s’ils s’initient souvent séquentiellement (commencer par questionner la demande pour structurer la boussole puis orienter l’action) sont en récursion permanente les uns avec les autres, et la porte d’entrée n’est jamais la même. Parfois, ce sont les enjeux par exemple qui se présentent avant la finalité.
L’ingénierie de processus consiste à faire vivre le système et à l’actualiser autant que nécessaire. Dans le poster ci-dessus, nous utilisons des dégradés entre stratégie, principe et déroulé, ainsi qu’au cœur du système, la lithographie « Mains dessinant » de Maurits Cornelis Escher, où la main se dessine elle-même avec le crayon qu’elle tient, pour symboliser ces récursions (la cause produit l’effet qui transforme la cause), et toujours garder cette causalité circulaire à l’esprit.
Processus pédagogique
Pour l’InsTerCoop, cette ingénierie de processus est pédagogique, au sens où elle permet de faire des différentes parties prenantes des co-auteurs de l’oeuvre commune, et ce faisant, instaure un processus coopératif entre les personnes qui les rend pédagogue les unes pour les autres.
[1] Voir notamment l’ouvrage de David Bohm, Le dialogue, cheminer vers l’intelligence collective, Eyrolles, 2021
[2] C’est complexe, Ousama Bouiss, Dunod, 2021
[3] Manager dans (et avec) la complexité, Dominique Genelot, Eyrolles, 2017