Institut des Territoires Coopératifs

Terre d’accueil & perte d’identité

Le département est profondément marqué par 2 siècles d’immigration. Espagnole dès la fin du Premier Empire et jusqu’aux Républicains à la veille de la guerre. Asiatique dès le début du siècle jusqu’à la décolonisation. Bretonne au sortir de la première guerre mondiale. Alsacienne lors de la seconde. Italienne en plusieurs vagues successives tout au long du XXème siècle. Algérienne à la décolonisation. Portugaise et Marocaine plus récemment encore…

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Sur cette « terre d’accueil », les immigrants cherchaient bien sûr à s’intégrer. Lors de nos échanges, ces efforts d’intégration sont très souvent évoqués par nos interlocuteurs. Ils pouvaient prendre plusieurs formes : l’abandon de la langue maternelle, la francisation du patronyme, et surtout, l’injonction à ne pas se faire remarquer, à « rentrer dans le moule ». Cette volonté d’intégration a peu à peu amené toutes ces générations d’immigrants à gommer leur particularisme. En fait, nous pourrions parler d’accueil « conditionnel » : je t’accueille, de manière plutôt chaleureuse d’ailleurs, mais à la condition que tu ne sortes pas du rang. Plusieurs fois, il a été fait référence (y compris par des gascons d’origine) à cette formule du gascon qui vous « accueille à bras ouverts, mais ne les referment jamais ».

Lors de nos rencontres, la question du « moule » a souvent été évoquée : rentrer dans le moule était d’autant plus important que celui qui en « sort », qui fait les choses différemment (des autres, ou de la manière dont cela « doit être fait ») apparait comme suspect aux dires de nombre de nos interlocuteurs. Sans doute peut-on voir ici l’une des sources possibles du caractère « un peu vieillot » (pour reprendre les termes entendus) des structures muséographiques départementales en général.

Le ministre Matthias Fekl a posé lors du lancement des Etats Généraux du Tourisme comme nécessaire de déterminer « une identité culturelle plus lisible du Lot-et-Garonne ». Peu à peu au cours de nos marches, un lien entre ces éléments, et un principe d’action apparaissent.

Le département est issu d’un métissage culturel d’une richesse incroyable, mais dont les héritiers ont cherché à gommer les caractéristiques. Ce qui fait dire à une participante de nos rencontres : « Nous n’utilisons pas assez notre richesse, cette culture mêlée ». De la même manière, le département est d’une diversité paysagère remarquable (voir “Un département qui s’écrit au pluriel”), mais difficilement mise en mots… Nous avons souvent entendu « nous ne sommes ni la Dordogne, ni le Lot, ni les Landes, ni le Gers… » et pourtant, du point de vue du paysage, le Lot-et-Garonne est tous ces départements à la fois !

La quête de son identité (paysagère ou culturelle) passant par la recherche d’un « plus petit commun dénominateur » ne pourrait que se résumer à une peau de chagrin. C’est sans doute la capacité à reconnaître les différences, mettre en avant les diversités, et entretenir cette pluralité qui donnerait sa force à l’identité du département.

Pour Edgar Morin, le tout est supérieur à la somme des parties car « il existe des qualités émergentes, c’est-à-dire qui naissent de l’organisation d’un tout, et qui peuvent rétroagir sur les parties ». Mais « le tout est également moins que la somme des parties car les parties peuvent avoir des qualités qui sont inhibées par l’organisation de l’ensemble ». Mettre à jour l’identité du département passe par la capacité à faire émerger chacune de ses qualités constitutives.

L'InsTerCoop est un laboratoire d’action-recherche sur le processus coopératif, et un centre de ressources et de ressourcement au service des personnes, des organisations et des territoires pour croître en maturité coopérative et faire de la coopération une source de développement et d’épanouissement.