16 mai – le risque d’inspirer
Lors de la conféchanges d’hier soir, nous avons pu prolonger la discussion avec les participants à l’occasion d’un buffet organisé par nos amis d’AgroParisTech (encore merci à eux). L’un des sujets qui interrogeaient nos interlocuteurs était les effets négatifs, parfois désastreux, des démarches qui visent à inspirer des citoyens, au travers de réalisations montrées en exemple. Ce que nous appelons ici « le risque d’inspirer », nous l’avons constaté dans tous les domaines : de l’habitat partagé à la monnaie locale, de l’AMAP à l’entreprise ou à l’initiative de démocratie coopérative.
Dans un souci louable de diffuser les bonnes nouvelles et d’accélérer les transitions, on compte sur les pionniers pour en inspirer d’autres. Que provoque l’inspiration ? Elle donne envie. Elle procure de l’énergie. Elle montre que c’est possible, et ainsi donne confiance. Si d’autres l’ont fait, je peux, nous pouvons également le faire.
Ceux qui témoignent de leur réalisation sont invités à décrire le résultat de leurs efforts : c’est ce résultat qui inspire. Mais il est assez rare qu’ils soient également invités à raconter les efforts pour l’atteindre, le chemin qu’ils ont parcouru, les embuches, les déconvenues, le temps nécessaire, les remises en question… Quand bien même ils le font, ils décrivent alors leur chemin, et certainement pas le chemin.
L’inspiration ne donne aucune clé sur « comment je peux faire ». Au mieux, le témoignage inspirant peut donner le mode d’emploi d’un autre, reconstruit à postériori, et qui occultera très probablement de nombreux éléments du chemin et notamment la part du chemin parcourue implicitement. Sans itinéraire, il est fréquent de voir l’envie initiale transmise se transformer, à l’arrivée des premières embuches, en perte de confiance, en frustration, et parfois en désillusions et en colères.
Voyageur, le chemin
Ce sont les traces de tes pas
C’est tout ; voyageur,
Il n’y a pas de chemin,
Le chemin se fait en marchantAntonio Machado
Pour faire de l’inspiration un enseignement utile, il est indispensable de prendre le temps de questionner l’autre sur le chemin qu’il a pris. Les deux protagonistes sont alors tous deux dans une posture de sachant-apprenant : l’un questionnant l’autre pour apprendre, l’autre s’interrogeant lui-même (et donc apprenant) pour transmettre.
Cette étape est nécessaire, mais pas suffisante. Le chemin de l’autre n’est pas nécessairement (et d’ailleurs probablement pas) mon chemin. Avec son enseignement, je vais pouvoir construire le chemin qui sera le mien, identifier les ressources dont j’ai besoin et dont je dispose, et celles dont je ne dispose pas et que je vais devoir construire. À partir de l’exemple de l’autre, de son modèle, je vais pouvoir construire mon propre modèle et alors envisager la réussite.