Institut des Territoires Coopératifs

Le socle InsTerCoop pour faire vivre des écosystèmes coopératifs

Écosystème coopératif

La vocation de l’InsTerCoop est de contribuer à faire naître et à entretenir des écosystèmes coopératifs, qu’ils soient ancrés dans un territoire, un réseau, un domaine…

Qu’est-ce qu’un écosystème ? C’est un ensemble d’éléments interagissant entre eux selon certains principes ou règles (la définition d’un système), mais dynamique. C’est-à-dire qu’avec leurs interactions mutuelles, les composantes transforment en permanence l’écosystème qui évolue ainsi avec le temps. C’est donc un ensemble dynamique issu d’une coévolution entre les composantes du système. Un écosystème est donc par définition un ensemble complexe, à savoir « fait d’éléments différents, imbriqués », « qui sont tissés ensemble » (Morin).

Nos actions s’inscrivent toujours dans des « écosystèmes complexes », bien qu’ils ne soient pas nécessairement vus comme tels. Travailler à l’échelle d’un écosystème nécessite donc d’embrasser, de vivre avec, et d’aimer la complexité, dont la coopération est une expression sociale : accepter la complexité, c’est mettre en dialogue l’ensemble de ses acteurs et les inviter à devenir co-auteurs de l’œuvre commune.

Le paradigme de la « simplification »

Selon Edgar Morin, nous vivons dans un paradigme de « simplification ». Pour lui, « la cause profonde d’erreur n’est pas dans l’erreur de fait (fausse perception) ou l’erreur logique (incohérence), mais dans le mode d’organisation de notre savoir en systèmes d’idées (théories, idéologies) […] Nous vivons sous l’empire des principes de disjonction, de réduction et d’abstraction », qui nous conduit à « l’intelligence aveugle ».

Cette simplification conduit à 3 dégradations :

  • « La dégradation techniciste : On garde de la théorie ce qui est opérationnel, manipulateur, ce qui peut être appliqué ; […]
  • La dégradation doctrinaire : La théorie devient doctrine, c’est-à-dire qu’elle devient de moins en moins capable de s’ouvrir à la contestation de l’expérience, à l’épreuve du monde extérieur, et il lui reste à étouffer et faire taire dans le monde ce qui la contredit.
  • La pop-dégradation : On élimine les obscurités, les difficultés, on ramène la théorie à une ou deux formules chocs ; ainsi la théorie se vulgarise et se diffuse, au prix de cette simplification de consommation » (Morin, 1990, Science avec conscience, Paris, éditions du Seuil)

Nécessité d’un changement de paradigme

Penser et agir en complexité nécessite d’adopter un changement radical dans nos façons de penser, de nos façons de parler, et de nos façons d’agir pour adopter un paradigme de complexité.

Changer nos façons de Penser

« Le paradigme de « complexité » repose sur trois types de relations : conjonction, distinction et implication. La conjonction consiste à relier le phénomène à celui qui l’observe, relier un phénomène à son contexte, relier un phénomène à d’autres phénomènes, relier un phénomène à plusieurs causes. La distinction consiste à distinguer sans séparer, à reconnaître la nécessité d’identifier les éléments différents sans considérer que la différence est synonyme de séparation. Enfin, l’implication c’est comprendre que le sujet qui observe est impliqué dans le phénomène observé. » (E. Bouiss, 2021, C’est complexe, éditions Dunod)

A cela ajoutons les trois principes qui sont à la base de la pensée complexe :

  • Le principe dialogique, qui unit deux logiques qui peuvent à la fois être complémentaires, contradictoires et concurrentes,
  • Le « principe hologrammatique », qui montre que « la partie est dans le tout et le tout à l’intérieur de la partie »,
  • Le « principe récursif » qui explique la « boucle génératrice dans laquelle les produits et les effets sont eux-mêmes producteurs et causateurs de ce qui les produit ».

Le mouvement à opérer du paradigme de « simplification » vers le paradigme de « complexité » est un changement fondamental de la manière de penser :

  • Là où il s’agissait de « décomposer » afin de traiter des objets de plus en plus simples, il s’agira au contraire de « relier » pour tenir compte des interactions permanentes entre les objets.
  • Là où il s’agissait de construire des « projets » qui dressaient un chemin linéaire entre le point de départ et l’objectif à atteindre, il s’agira de construire des « processus » qui tiennent compte des récursions permanentes de l’écosystème vers un futur désiré qui peut prendre des formes imprévisibles puisque issu d’un processus dynamique.
  • Là où il s’agissait de collaborer pour « faire », il s’agira de coopérer pour « apprendre », de manière à tenir compte des récursions entre « je », « nous » et « dans », et à faire vivre le processus qui relie les personnes, parties prenantes et donc co-autrices de l’écosystème. 

Changer nos façons de Parler

Pour accompagner ce renouvellement de la pensée, nous proposons également un renouvellement des mots. « Les mots font les mondes » :

Vocabulaire de la « simplification »

Simplifier
Décomposer
Planifier
Objectif
Livrable
Dispositif
Détail

Vocabulaire de la « complexité »

Complexifier
Relier
Danser entre organique et planifié
Finalité
Intention
Stratégie
Principe

Changer nos façons de Projeter

Nous aimons dire que si un projet se passe comme prévu, c’est sans aucun doute la preuve qu’il n’a pas été mené en coopération ! Si nous sommes co-auteurs d’une œuvre commune, la part de l’imprévu est telle que les méthodologies traditionnelles de conduite de projet ne sont plus opérantes.

Ces méthodologies, à l’œuvre aujourd’hui dans quasiment tous les environnements, sont issues du monde du bâtiment, un monde dans lequel les projets, s’ils peuvent être très compliqués, ne sont pas complexes. Le vocabulaire de l’ingénierie de projet (décomposition, lot, objectif, livrable…) le démontre.

L’approche sereine des situations complexes suppose d’admettre l’incertitude comme un élément permanent de la réalité. Cette attitude d’esprit permet d’accueillir les événements imprévus comme autant d’opportunités. Pour intégrer la complexité, et donc la coopération, notre conception du « Projet » est celle proposée par Schied-Bienfait et Bréchet : « Une anticipation opératoire de type flou et partiellement déterminé d’un futur désiré (dit autrement, le concept ne se comprend pas comme l’action planifiée d’un acteur tout puissant mais comme le façonnement conjoint et toujours à reprendre de l’acteur et du contexte en situation d’incertitude).[1] »

Le socle InsTerCoop

Le socle InsTerCoop vise à permettre de vivre et agir en complexité. Il repose sur :

  • Une manière de faire pour élargir notre regard et notre compréhension : élargir pour relier, élargir pour révéler l’implicite, élargir pour accéder à la compréhension humaine,
  • Le développement de la maturité coopérative (la capacité à développer des aptitudes coopératives durables et inconditionnelles), au niveau individuel et collectif,
  • La transition de l’ingénierie de projet vers l’ingénierie de processus.

et s’appuie sur :

  • 9 temps qui nourrissent le processus coopératif,
  • 12 dialogies, principes d’action de la coopération.

Les différentes page du « Corpus InsTerCoop » détaillent ces éléments.

Le corpus InsTerCoop pour faire vivre des écosystèmes coopératifs

[1] Jean-Pierre Bréchet, Nathalie Schieb-Bienfait. Logique d’action et projet dans l’action collective – Réflexions théoriques comparées-. 2009. hal-00421180

L'InsTerCoop est un laboratoire d’action-recherche sur le processus coopératif, et un centre de ressources et de ressourcement au service des personnes, des organisations et des territoires pour croître en maturité coopérative et faire de la coopération une source de développement et d’épanouissement.