Webinaire 4 : Questions qui se posent… et premières pistes de réponses
Quand des signaux d’alertes sont observés et exprimés, comment développer le processus coopératif individuellement et collectivement ?
Développer sa maturité coopérative, personnellement et collectivement, c’est précisément apprendre à repérer les signaux faibles, à les exprimer ensemble, à discerner collectivement les logiques à l’œuvre et à développer des réponses pour trouver le bon équilibre entre ces logiques. C’est en faisant cela que l’on développe le processus coopératif.
Compromis (qui ne satisfait personne) vs consensus & consentement ?
Chacun de ces modes de décision à son intérêt et ses limites. Notre approche n’est pas de privilégier une approche plus qu’une autre. Entre consensus, consentement et compromis, l’équilibre qui va naître sera lié à la capacité, en fonction de la situation, à faire un choix, et à mettre en évidence individuellement et collectivement, ce à quoi on renonce.
Pas sûre d’avoir compris concrètement comment investir l’espace dialogique ?
La question précédente est une belle illustration de cette manière d’investir cet espace. Investir cet espace c’est prendre en compte les signaux faibles, discerner les logiques à l’œuvre et faire un choix. Par exemple : je suis dans une réunion. J’ai mal au dos et ne peut tenir assis sur ma chaise, mais vu mon rôle dans cette rencontre, je ne donne pas le droit de me lever et faire quelques pas (voir le principe d’action entre rôle et identité). Mal de dos : signal faible – Discernement : mon identité, mon rôle. De quelle manière je vais choisir d’investir l’espace dialogique ? A quoi vais-je renoncer ? A mon bien-être ? A la représentation de mon rôle ?…
On s’est fait la réflexion que la « dialogie » pouvait s’exprimer sous la forme d’une tension ressentie entre les 2 éléments… et qu’il faut retenir que les deux ont quelque chose à apporter… il y a des + et des – de chaque côté !
Oui. Ne cherchons pas à évaluer si une logique est mieux que l’autre et ne cherchons pas à mettre ces logiques en tension. La tension peut-être un signal faible révélateur de ces logiques, qui rappelons-le, ont besoin l’une de l’autre pour exister.
Comment intègre-t-on dans cette maturité coopérative la présence d’un individu « nocif » ? L’Université Du Nous, dans la gouvernance partagée, n’hésite pas à parler de processus d’exclusion…
Il existe certainement des personnes toxiques… à la marge ! Dans la très grande majorité des cas, le fait qu’un individu soit jugé comme nocif est l’expression d’un manque de maturité coopérative. A l’exclusion de la personne qui nous semble extrême, nous pensons préférable de travailler collectivement sa maturité coopérative. Si nous sommes en coopération, nous sommes co-auteurs de l’œuvre commune. Nous sommes donc, par construction, co-auteurs de la nocivité de la situation. Ce n’est pas la personne qui est nocive, mais la situation. Cette nocivité s’est construite par l’action implicite de chacun. Sortir durablement de cette situation passe, non par l’exclusion, mais par ce processus de réflexivité et d’introspection, qu’Edgar Morin appelle la « récursivité éthique ».
Dans le groupe j’ai évoqué la place que l’on laisse, et que l’on prend, mais quelle action s’il s’agit d’un manque de confiance ?
Manque de confiance ? en soi ? en l’autre ?… Les « 12 principes d’action » ne sont pas des recettes, mais simplement des repères pour identifier des signaux faibles qui permettront au collectif de développer sa maturité coopérative. Seule la situation permettra de déterminer l’action à mener.
Quel est le sens d’organique dans le principe « entre organique et planifié » ?
Les coopérations notables par leur longévité ne ressemblent pas aujourd’hui à ce pourquoi elles ont été créées. Leur longévité s’appuie à la fois sur une vision globale et un horizon solide planifié et une capacité à voir, s’emparer et « digérer » tout ce qui se présente sur le chemin de manière organique. Un collectif que nous avons rencontré a trouvé un moyen de matérialiser cet espace entre « organique » et « planifié » en inventant la notion de « marbre mou » : Il y a des règles (planifié), mais elles évoluent constamment en fonction des situations vécues (organique).
Des exemples de signaux faibles entre objectif et contraintes ?
Il est normal de voir surgir des problèmes à résoudre tout au long de la vie d’un projet. Certains sont faciles à traiter, mais d’autres deviennent de véritables obstacles à franchir. Il arrive parfois que l’obstacle paraisse si difficile à franchir qu’il finisse par retenir toute l’attention… et occulte ainsi l’objectif. Un exemple, tiré de notre rapport « Principes d’action de la coopération » : « C’est le piège dans lequel les initiateurs d’un écohameau en zone rurale étaient à notre arrivée : ils portent un projet qui consiste à relocaliser en zone de montagne, une agriculture qui a tendance à « descendre » dans la vallée. Conçu dans une vision écologique d’agriculture durable, le projet se heurte à la non-constructibilité de la zone, inscrite dans le plan local d’urbaniste, lequel vise précisément à préserver l’écologie du site. Mobilisant leur énergie pour obtenir une réforme du PLU, les acteurs ne parlent plus de la vision du projet, mais seulement du PLU. Tant et si bien que lors de notre rencontre ils réalisent que les élus présents qu’ils ont invités ne connaissent finalement même pas les motivations réelles derrière la demande de modification, et son intérêt écologique. »