Bilan du projet MCDR
Le 29 mars 2022, nous avons réuni la « Gouvernance Coopérative Elargie » du projet MCDR « Le développement rural par la coopération » pour faire le bilan de 4 années de travail et de production. Vous trouverez ci-après les principaux enseignements que nous tirons collectivement du projet. Vous y trouverez également des « dires d’acteur », enseignements plus personnels que chacun des contributeurs à la Gouvernance Coopérative a formulé ce jour là. Bonne lecture !
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Rappel du projet
Introduction
Le 5ᵉ objectif stratégique du Réseau Rural National est d’ « encourager la coopération sous toutes ses formes au niveau des territoires ». Dans le cadre du programme de Mobilisation Collective pour le Développement Rural (MCDR) du Réseau Rural, l’Institut des Territoires Coopératifs (Inovane) et ses partenaires ont mené du 1 juillet 2018 au 31 mars 2022 un projet d’action-recherche intitulé « Le développement rural par la coopération » qui visait à produire, mettre en œuvre et diffuser une connaissance nouvelle sur le « comment coopérer » pour faire de la coopération une source de développement.
Durant les 4 années, le projet a été piloté et animé par une Gouvernance Coopérative, réunissant des représentants de tous les réseaux partenaires du projet : CGSCOP, Coopérer pour Entreprendre, FNCUMA, RTES, RNMA et les 5 Réseaux Ruraux Régionaux associés.
Les travaux de recherche et d’expérimentation ont été menée sur 5 régions : Grand-Est, Auvergne-Rhône-Alpes, Normandie, Pays de la Loire, Bourgogne-Franche-Comté. La diffusion des travaux a été menée sur l’ensemble du territoire national métropolitain.
Proposer une nouvelle approche du développement
Les stratégies de développement territorial sont largement fondées sur les concepts de compétitivité et d’attractivité car elles sont soumises à une croyance selon laquelle concurrence et compétition seraient sources de développement. Bien qu’elle ne soit pas prouvée par les économistes eux-mêmes, cette croyance est malheureusement tenace. Au contraire, les sciences mathématiques démontrent ce que les acteurs de terrain observent : la coopération est un facteur de développement.
En 2017, l’Institut des Territoires Coopératifs publie un travail montrant en quoi la coopération pouvait être un levier de développement, et particulièrement en ruralité, et comment développer la « maturité coopérative » des collectifs et des territoires pour en tirer parti.
Le projet MCDR « Le développement rural par la coopération » consistait à prolonger et approfondir cette connaissance, à la mettre à l’épreuve de collectifs et de territoires, et à la diffuser largement auprès du grand public.
Éclairer les points aveugles et les angles morts
La coopération est souvent appréhendée en se limitant à l’étude de ses manifestations visibles et dont les acteurs ont conscience. De nombreux travaux étudient les projets, leur contexte et leur environnement, leur structure juridique et leurs statuts, leurs objectifs et leurs résultats. D’autres portent sur la compréhension des systèmes d’acteurs, l’intégration des parties prenantes, la gouvernance, l’alignement des intérêts, les processus de décisions, les règles de fonctionnement. D’autres enfin étudient les outils mobilisés, les moyens déployés…
Or, si ces éléments permettent de voir la coopération à l’œuvre, ils ne disent rien de ce qui en a permis l’émergence. Coopérer, au sens d’être co-auteur d’une œuvre commune, implique un changement dans la relation à soi-même et à l’altérité. Coopérer implique de développer une relation d’égal à égal entre co-auteurs, chacun dans son rôle, et de considérer l’œuvre créée comme un bien commun. Les rouages de la coopération ne se trouvent pas en surface. C’est dans des couches plus profondes qu’il faut aller en chercher les ressorts, et c’est précisément cette connaissance que le projet vise à produire, s’approprier et diffuser le plus largement possible.
En fondant ses travaux sur l’approche phénoménologique et maïeutique de l’Observatoire de l’Implicite, le projet a permis d’intégrer ces dimensions implicites dans la recherche.
Une triple finalité : produire, mettre en œuvre, diffuser
Le protocole d’action-recherche de l’InsTerCoop repose sur son « observatoire de l’implicite » : une démarche d’itinérances à pied, longues de 4 à 6 semaines, à la rencontre de collectifs, pour explorer avec eux leurs manières de vivre la coopération et d’être co-auteurs d’une œuvre commune.
Dans le cadre du projet MCDR, l’InsTerCoop a mené 4 nouvelles itinérances à pied, à la rencontre d’un plus de quarante collectifs, œuvrant en zone rurales, au sein de toutes de structures. La dernière année du programme a été marquée par des nouvelles rencontres de ces collectifs afin d’évaluer et de renforcer les apprentissages réalisés et de les croiser entre collectifs, et l’organisation de plus de 30 événements de diffusion des travaux sur l’ensemble du territoire national.
Au travers de ces itinérances et actions de diffusion, les objectifs recherchés étaient de :
- Approfondir le concept de maturité coopérative, dont le développement initial avait été réalisé entre 2015 et 2017,
- Permettre à 40 à 45 collectifs d’éprouver leur propre maturité coopérative et d’en étudier l’impact à moyen terme,
- Diffuser largement cette connaissance grâce à des dispositifs de médiation multiples afin de toucher des publics différents : des conf’échanges (conférences interactives), un film documentaire, une brochure méthodologique, un jeu de plateau et un livre de dialogue pouvant servir de support à du théâtre-forum.
Décloisonner pour comprendre
Notre approche de recherche repose sur le décloisonnement. Décloisonnement à tous les étages, de manières à comprendre les récursions entre les différents éléments du système :
- Décloisonnement par le large partenariat autour du projet, qui associe 6 réseaux nationaux, et qui croise les milieux agricoles, de l’entreprise, des collectivités, de l’entreprenariat et du monde associatif,
- Décloisonnement des formes d’engagements en allant à la rencontre de collectifs variés : entreprises, associations, coopératives agricoles, collectivités, groupes de voisinage…
- Décloisonnement des disciplines, puisque l’approche d’itinérance permet de tenir compte de l’histoire, de la géographie, de l’économie et que l’approche de questionnement maïeutique et phénoménologique des collectifs permet d’appréhender la sociologique, la psychologie et l’anthropologie.
- Décloisonnement des pratiques puisqu’au processus linéaire habituel « recherche – expérimentation – transfert » est substitué un processus intégré et continu où recherche, expérimentation, et transfert sont simultanés et se nourrissent les uns les autres.
- Décloisonnement géographique enfin en menant ces itinérances au cœur de 5 régions différentes : Grand-Est, Auvergne-Rhône-Alpes, Normandie, Pays de la Loire, Bourgogne-Franche-Comté.
Être en coopération pour dire la coopération
La coopération se vit plus qu’elle ne se dit. On observe d’ailleurs que l’on parle beaucoup plus de coopération dans un collectif si elle est balbutiante que si elle est mature. La coopération s’est un peu comme la liste de course du marché : on n’a plus besoin d’en parler une fois que les courses sont faites.
Nous avons tenu à faire de chaque espace du projet des espaces coopératifs. Ce fut le cas avec les 42 collectifs rencontrés puisque le protocole de l’Observatoire de l’Implicite est par essence un protocole coopératif.
Ce fut le cas également avec l’ouverture de ces espaces à d’autres acteurs : d’autres projets MCDR avec lesquels nous avons œuvré ensemble sur les logiques de coopération (Port@ail, Tressons par exemple), d’autre organisations avec lesquelles nous avons coconstruit des événements de diffusions de nos travaux (Mairie de Périgueux, Association Hâbitage, Ecooparc par exemple), ou des « observateurs » : 41 personnes, parfois issues des réseaux partenaires, parfois extérieures au projet, ont accompagné l’Observatoire de l’Implicite lors d’une étape pour vivre l’expérience et s’en approprier les fondamentaux.
Enfin, le projet s’est doté d’une « Gouvernance coopérative » de manière à vivre la maturité coopérative dans sa propre gouvernance, et à éprouver ses propres travaux de manière réflexive.
Ainsi, l’équipe de « Gouvernance » n’a pas été sollicitée pour faire du « suivi de projet » mais pour penser la stratégie du projet, évaluer les travaux et organiser les actions pour en augmenter l’impact. Elle s’est réunie 2 fois à 3 fois par an à chaque fois, pour 2 jours complets d’ateliers.
Résultats, enseignements et bilans
Un concept de « maturité coopérative » plus précis
La définition de la « maturité coopérative » n’a pas changé durant le cours du projet. Nous définissons la maturité coopérative comme la capacité individuelle, collective et territoriale, à développer des aptitudes coopératives durables et inconditionnelles, qui ne dépendent ni du contexte, ni de la situation, ni des personnes.
Sur le plan de la formalisation de la connaissance sur la maturité coopérative, le projet MCDR a permis d’en préciser les éléments clés et de les approfondir. Nous avons ainsi pu en caractériser les 4 fondamentaux, les 12 principes d’action dialogiques, et les 9 temps qui nourrissent le processus coopératif.
Dires d’acteur : « De la coopération-réflexe à la coopération consciente »
« Le travail que l’on a fait pendant ces 4 années nous a permis de prolonger nos travaux sur la maturité coopérative, de mieux exprimer des choses, de mieux les conceptualiser, de les dessiner, de mieux les mettre en pratique, et d’en voir les effets sur le terrain. Nous posons aujourd’hui une chose essentielle que l’on ne posait peut-être pas suffisamment avant : la question de la « coopération inconditionnelle ». Nous distinguons la coopération inconditionnelle de la coopération conditionnelle. Cette dernière existera toujours, de toute façon : en cas de force majeure, notre humanité et notre empathie nous amènent à nous entraider, à coopérer pour surmonter les difficultés. C’est grâce à cela que l’humanité existe. Cette coopération est réelle, mais elle est conditionnelle : elle est liée à une situation, un événement. Partager une motivation produit de la coopération. Mais cette coopération n’est pas durable, car elle est liée à la situation. À un moment, on lui tournera le dos, on se laissera d’être ensemble, certains partiront et du coup, ça marchera plus. Ou alors comme on aura développé de la sympathie, on restera entre nous par sympathie, ce qui n’a rien à voir avec la coopération. La coopération ne deviendra durable qu’à partir du moment où les personnes se développent et développent leurs compétences de coopération inconditionnelle, leur « geste coopératif », c’est-à-dire leur capacité à coopérer quelles que soient les situations, quels que soient les interlocuteurs. Alors, la recherche de coopération ne deviendra plus une quête qui peut être épuisante. Pour nous, c’est l’élément essentiel qui ressort de ces années de terrain : passer de la coopération-réflexe à la coopération-consciente qui fait que je peux coopérer quelle que soit la personne qui est en face de moi. » Anne Beauvillard, Institut des Territoires Coopératifs
Les 4 fondamentaux à la source de la coopération sont détaillés dans le livret « méthode » que nous avons réalisé. Rappelons-les ici brièvement ici :
- La coopération nait et s’entretient entre des personnes. Elle se fonde sur l’interrelation entre des personnes ; pas entre des rôles, ni entre des organisations., mais bien entre des personnes, dans toute leur singularité. Dans la plupart des projets coopératifs, si l’œuvre est commune, les motivations profondes de ses auteurs sont toujours uniques, singulières, subjectives. Un collectif est fort s’il est constitué de « je » pleins et entiers. La coopération est par essence intersubjective : elle fait communiquer deux (ou plusieurs) subjectivités. C’est dans cet entre-deux qu’elle se vit et la prise en compte de ces identités subjectives par tous les acteurs est indispensable à la dynamique coopérative. C’est ce qu’Edgar Morin appelle la « compréhension humaine », qui s’attache « aussi et surtout à comprendre ce que vit autrui ».
Dires d’acteur : « Ce sont les personnes qui coopèrent »
« Je n’ai suivi le projet que les deux dernières années, mais les deux choses qui m’ont le plus marquées, sont la dialogie « Entre rôle et identité » et puis, le projet dans le projet : coopérer est un projet en soi. Au sein du Réseau Rural, au départ, je voyais mon travail comme de mettre en lien des structures : faire qu’une structure parle à une autre structure… Et en fait non, la coopération c’est une personne qui parle à une autre personne, un humain qui parle à un autre humain. Et ça marche tellement mieux depuis que je parle à une personne et non à une structure. » Louise Blum, Réseau Rural Grand Est
- Tenir compte des récursions entre « Je », « Nous » et « Dans ». La manière de vivre la coopération dépend des personnes, dans leur singularité. Elle dépend également du collectif (le « nous ») et du milieu dans lequel s’inscrit l’action collective (le « dans »). Ces trois niveaux sont façonnés à la fois par l’environnement proche et lointain, spatial et social, culturel, géographique et historique, psychologique, économique et philosophique. Chacun interagit sur l’autre et le modifie en profondeur : le collectif transforme les individus, les individus transforment le collectif. L’individu transforme son milieu, qui fait de lui un être différent. Selon Edgar Morin, ces récursions permettent l’autonomie et l’auto-organisation des systèmes. Ces liens récursifs sont le plus souvent non-pensés et créent pourtant des manières de faire implicites et des pilotes automatiques, que seuls les signaux faibles peuvent révéler.
Dires d’acteur : « Apprivoiser les signaux faibles »
« D’un point de vue très personnel, J’ai pris conscience de la notion de processus dans la coopération. La coopération, c’est du temps, et ça nécessite de la place. Avant, je faisais un peu comme tout le monde : j’étais beaucoup plus axée sur les résultats, les objectifs, etc. J’avais tendance à négliger plusieurs choses dans ce processus de coopération, à commencer par moi-même, et ça me revenait toujours dans la figure. Cette question de l’alignement entre « je », « nous » et « dans » a été vraiment importante pour moi. J’ai constaté que ça améliorerait mes pratiques et notamment, une meilleure prise en compte des signaux faibles. Non pas que je ne les voyais pas avant, au contraire d’ailleurs, mais j’ai appris à les apprivoiser. Les signaux faibles des autres pouvaient générer chez moi une émotion dont je ne savais pas très bien quoi faire. Je trouve que je suis de manière générale plus bienveillante avec mon environnement quotidien. » Charlotte Dudignac, Coopérer pour Entreprendre
- « L’essentiel est invisible pour les yeux ». Nous limitons souvent nos observations aux seules parts visibles et réfléchies : le projet, son contexte, sa structure juridique, ses statuts, ses objectifs, ses livrables, la cartographie des parties prenantes, la gouvernance, les processus de décisions… Les rouages de la coopération ne se trouvent pas en surface. Aucun marin n’imagine partir en mer sans sa carte marine, où figurent des repères invisibles car immergés, mais dont la prise en compte est essentielle pour naviguer en surface. Apprendre à se saisir de cette dimension non-pensée, non-consciente, implicite est indispensable à la compréhension humaine de la coopération.
Dires d’acteur : « Ouvrir sur la révolution du sensible »
« Je suis chargée de mission « coopération entre acteurs » … et je suis contente d’avoir revisité la vision de ce qu’était la coopération. J’ai gagné en technicité, en outillage et surtout, en ouvrant sur le sensible. Ça c’est la grande révolution !… Certains environnements sont plus ou moins facilitants pour aller sur le sensible. Mais ce que j’ai appris dans ce projet, c’est la capacité à coopérer avec des non-coopérants ! Finalement, je trouve ça super excitant de réussir à amener progressivement vers de la coopération. Le jour ou l’environnement ne me dérange plus, où je lâche prise sur la volonté ou non de coopérer de l’autre, je peux faire évoluer tout ce qui manque. Mais c’est un challenge, parce que ça me demande de changer de posture, d’avoir une vision plus en empathie, moins frontale. Je deviens alors un agent de maturité coopérative. Il y a plein de bénéfices pour moi, mais aussi pour ceux qui m’entourent. » Dominique Bernier, Ecooparc
- La coopération est un projet en soi. C’est la qualité de la relation entre ses auteurs qui fait la réussite d’un projet collectif. C’est pourquoi un projet collectif en cache toujours un autre : celui qui consiste à construire un processus coopératif mature entre ses acteurs. Ces deux projets s’appellent l’un l’autre, ils ont chacun besoin de l’autre pour vivre, ils nécessitent tous les deux attention et investissement. Le premier, le projet coopératif, est le plus souvent à durée déterminée, l’issue du second, le processus
Dires d’acteur : « La vie est dans les entre-deux »
« Pour faire le film, je me suis immergé dans le projet pendant 3 ans : au niveau de la gouvernance, dans les itinérances, par le montage… Et je n’ai pas trop envie de sortir de cette immersion ! Tous les mots que je pourrais dire « sur » ne sont pas très intéressants. Comment parler, non pas « sur » la coopération, mais « de » la coopération ? J’y parviens avec des images. Tout ce travail sur le sensible et la personne peut se traduire à travers des paroles et des images, à condition de sortir de nos discours habituels. Ce travail de trois ans m’a conforté dans ce que je soupçonnais être fondamentalement un film documentaire : pas de transmettre un message, mais d’essayer de traduire du ressenti, des choses dont on n’est pas sûr, dont on doute, ou parfois dont on est sûr, que la vie est constituée de tout ça, et que c’est là, dans ces incertitudes, ces entre-deux, qu’est la vie. » Guy Baudon, Réalisateur de documentaire
La coopération est une compétence dialogique. Les 12 principes dialogiques de la coopération avaient été clairement établis avant le projet MCDR. Celui-ci les a validés et confirmés. Au début du projet, nous cherchions à voir si certaines dialogiques avec plus d’importance en fonction du stade de développement d’une initiative coopérative. En fait, très vite nous avons abandonné cette piste en réalisant que les 12 dialogies étaient hologrammatiques : chaque dialogie contenant les autres en elle-même (comme l’arbre entier est dans la graine…).
Nous avons porté notre attention à développer un langage symbolique autour des dialogies de manière à faciliter leur appropriation. Sandrine Abayou a ainsi illustré les 12 principes d’action qui permettent aux collectifs d’entamer très rapidement un dialogue autour des dialogies qui résonnent avec des situations concrètes qu’ils traversent.
Enfin, nous avons complété le concept de « maturité coopérative » en formalisant les 9 temps nécessaires au développement du processus coopératif et en demandant également à Sandrine de les illustrer. Ils contribuent à faire naître le processus, à l’entretenir et le nourrir, à le renouveler.
- Se rendre disponible : Être présent… à soi, à l’autre, au milieu
- Se mettre en lien : Relier nos humanités, se connaître pour se reconnaître, engendrer la disponibilité de l’autre
- Poser le cadre : Donner des repères et des limites, montrer le chemin que nous allons prendre, se libérer de nos enjeux
- Introspecter : S’interroger soi-même sur ses raisons d’être et ses motivations, mettre à jour son propre implicite, se l’entendre dire… et se donner à entendre, écouter les « je » qui constituent le « nous »
- Se dérouter : Sortir de nos représentations, biais cognitifs et pilotes automatiques. Identifier et explorer des freins implicites, des non-dits, des obstacles cachés. S’ouvrir à la compréhension humaine, de soi, de l’autre.
- Changer de position de perception : Un point de vue n’est que la vue d’un point… Faire un pas de côté, changer d’angle de vue, penser de la place de l’autre.
- Eprouver sa maturité coopérative : Apprécier la manière dont on habite l’entre-deux pour faire vivre les 12 principes dialogiques de la coopération, c’est déjà faire grandir sa propre maturité coopérative.
- Nourrir en retour : Transformer l’expérience vécue en apprentissages pour soi et pour les autres en les verbalisant et en les partageant.
- Décanter : Laisser poser, prendre le temps de « digérer », de transformer les aliments en nutriments, éviter de donner tout pouvoir à la seule rationalité, laisser remonter l’essentiel.
Dires d’acteur : « Quand on est disponible, l’échange avec l’autre n’a rien à voir. »
« Depuis 4 ans je suis dans la Gouvernance Coopérative du projet, j’ai participé à une itinérance, organisé plusieurs événements de diffusion. Pour moi, ça a été vraiment nécessaire d’être sur du temps long. J’ai vraiment apprécié ça. On n’a pas souvent ces occasions-là : vivre des moments si riches et sur le long terme. Les questions qui nous traversent à la clôture du projet, sur la transmission, l’appropriation… étaient des questions que nous avons discutées dès le départ. Ces 4 années ont été vraiment nécessaires et j’ai même parfois l’impression de n’être encore qu’au début de l’appropriation. Ce projet a changé beaucoup de choses. J’y pense souvent. C’est le premier temps du processus coopératif, la « disponibilité » qui m’a énormément changée. Auparavant, je ne prenais jamais ce temps. Jamais. Je me lançais tête baissée, je voulais tout préparer à l’avance… Maintenant, à chaque fois que je me vois faire ça, je repense au projet, je commence par me poser moi, je prends un temps de disponibilité à moi, et donc après forcément, je deviens disponible aux autres. Ça, c’est une révolution. Quand on pose vraiment un temps de disponibilité, l’échange qu’on a avec l’autre n’a rien à voir, rien à voir. Ma disponibilité me permet d’utiliser ma sensibilité, ce que je ne faisais pas. J’avais l’impression que ce n’était pas l’objet, que la sensibilité n’avait pas de place dans mon travail. J’ai compris, parce que je l’ai expérimenté, que travailler avec ma sensibilité apportait de la valeur. Professionnellement. Maintenant je travaille beaucoup avec ma sensibilité. Le Réseau Rural, ce sont des échanges, des liens humains, du dialogue : la sensibilité y a toute sa place. Le dialogue est le fondement même de la coopération. S’il y a dialogue et donc que je me laisse traverser par ce que dit l’autre, ce dialogue extérieur génère un dialogue intérieur. Et ça se passe aussi chez l’autre. C’est là que nous sommes vraiment en coconstruction. J’ai vraiment eu l’impression intérieurement de cheminer pendant quatre ans et que ça, forcément, ça va continuer. Ce voyage fut très, très riche. » Martha Métais, Réseau Rural Normand
Dires d’acteur : « Ne pas être toujours dans le faire… pour pouvoir créer »
« Dans les groupes avec lesquels je travaille, je mets maintenant des temps de retour à soi. Je ne m’autorisais pas autant à faire cela avant. Apprendre aux gens à ne pas être tout le temps dans le faire, et que ce qui produit effectivement de la créativité, c’est juste être là. C’est un vrai boulot pour l’hyperactif que je suis ! » Jean-Jacques Magnan, URSCOP Auvergne-Rhône-Alpes
La coopération inconditionnelle source de développement
A ce jour, plus de 100 collectifs ont participé aux itinérances de l’Observatoire de l’Implicite, dont 42 lors du projet MCDR. Cette expérience a permis de mettre en évidence que lorsque leur processus coopératif est « mature », les collectifs acquièrent des caractéristiques qui font de leur coopération un réel levier de développement. Nous avons observé 5 sources distinctes de développement :
- La robustesse : les environnements coopératifs sont résilients et capables de rebond en cas de crise,
- La croissance : ils ont tendance à croitre en termes d’impact car la coopération y est contagieuse,
- L’émergence : ils fournissent un terreau propice à l’émergence de nouvelles initiatives,
- La pérennité : ils permettent le renouvellement des acteurs,
- La pollinisation : ils fournissent des sources d’inspiration à d’autres acteurs.
Dires d’acteur : « J’ai perçu le caractère irréversible de la coopération
« J’ai trouvé dans ce projet la substantifique moelle de la coopération et du processus coopératif. Au-delà de la puissance de la coopération, c’est le caractère inévitable et irréversible de cette transition anthropologique que je perçois aujourd’hui, avec le recul. » Catherine Friedrich, CGSCOP
Pour montrer que la coopération peut effectivement être un levier de développement, nous avons tenu à architecturer et piloter le projet de manière extrêmement coopérative. Nous voulions être en mesure d’observer les effets positifs de cette approche à tous les niveaux d’interactions du projet, et notamment de la Gouvernance Coopérative, des collectifs rencontrés lors des itinérances, au sein des organisations partenaires, entre les projets MCDR, et auprès des personnes touchées par les événements de diffusion des travaux.
A chacun de ces niveaux, le projet a démontré la puissance de la coopération comme levier de développement, dont voici quelques-unes des manifestations :
- En termes d’augmentation de l’impact du projet, l’élargissement du partenariat est un élément marquant. En cours de projet, le partenariat s’est élargi à 4 nouvelles organisations : les Réseaux Ruraux Normand et de Pays de la Loire, à Cap Rural, et au Réseau National des Maisons des Associations.
- A la fin de l’année 2 du projet, nous avons lancé un appel à manifestation d’intérêt pour porter avec nous la diffusion des travaux. Plus de 15 organisations se sont manifestées ce qui a conduit le nombre d’événements de diffusion des travaux à être multiplié par 3 par rapport aux engagements initiaux et à rayonner dans des environnements et des territoires initialement non couverts par le projet.
Dires d’acteur : « La coopération est un projet en soi »
« Ecooparc a rejoint le projet dans la dernière année seulement, au moment des événements de diffusion et il y a beaucoup de choses que je ne me suis pas encore appropriées. Et pour autant, dans l’accompagnement des groupes et des projets de la fabrique, il y a déjà plein d’endroits où j’arrive beaucoup mieux à poser les choses, à comprendre, ou en tout cas à être plus observatrice de l’implicite, à amener les porteurs de projets à être attentifs à leur processus projet bien sûr, mais aussi au chemin, à la coopération, à ce qui se joue entre eux. Ce projet dans le projet, la coopération en soi, je n’y portais pas autant d’attention auparavant. » Dominique Rivière, Ecooparc
- De nouvelles formes de livrables ont émergées durant le projet, au gré des rencontres. Pour exemple, « Coopérer : le Jeu » n’était pas prévu dans la maquette de départ. Lors de l’itinérance en Mayenne, Arnaud, représentant Payasoloco, une association spécialisée dans la conception de jeu, participe à l’une des rencontres territoriales. Arnaud est profondément interpellé par les échanges, et par le parallèle entre jeu et coopération. L’idée germe alors lors d’une Gouvernance Coopérative de solliciter son association pour élaborer un nouveau livrable pour illustrer le concept de maturité coopérative par des dispositifs ludiques.
- Des liens étroits sont nés entre ce projet MCDR et d’autres comme TRESSONS (sur l’ESS comme moteur du développement rural) et Port@ail sur les tiers-lieux en zone rurale. En croisant nos travaux respectifs, nous les avons fertilisés et en avons augmenté la robustesse. Avec les acteurs de Port@ail notamment, nous avons dès la 2ème itinérance, intégré à notre parcours des tiers-lieux ruraux, et des acteurs de Port@ail ont participé aux itinérances 2 et 4. Ils ont ainsi pu mesurer l’importance de la coopération pour que ces tiers-lieux ruraux délivrent toute leur promesse. Suite à cela, nous avons conçu une formation spécifique aux porteurs de projet de tiers-lieux que Port@ail a intégré dans son action.
Dires d’acteur : « Sans coopération, on plafonne sur nos objectifs sans faire territoire »
« Dans nos accompagnements de porteurs de projets de tiers-lieux, nous avons peu à peu compris qu’il y avait le « projet dans le projet ». Nous avons maintenant une conviction partagée avec beaucoup d’acteurs : il ne peut pas y avoir de démarche tiers-lieux sans démarche de coopération au cœur de la machine. Croiser nos deux projets MCDR, Port@ail et « Le développement rural par la coopération » nous a vraiment éclairé sur cette dimension-là. Nous en avons vu les effets : les porteurs de tiers-lieux ont clairement changé l’angle d’attaque de leur projet. Sur la quarantaine d’expériences locales que nous avons accompagnées, ceux qui avaient bénéficié de ces croisements, cherchaient à dépasser la simple recherche de réponse à un besoin et veillaient à replacer le processus coopératif : « avec qui allons-nous travailler sur le territoire, qu’allons-nous construire ensemble ? ». Ceux qui restaient sur la seule réponse au besoin plafonnaient. Ils n’étaient pas en échec, mais au bout d’un moment, ne se développaient plus, n’arrivaient pas à innover. Ils dénoncent les logiques concurrentielles dans le territoire, et finissaient par se mettre dedans, et les alimenter. Alors que ceux qui mettaient la coopération au cœur de leur projet avaient des intentions claires mais des objectifs moins figés. Leur regard sur leur environnement n’était pas le même. Ils allaient là où la coopération les emmenaient, et débordaient vers d’autres acteurs de l’écosystème. » Eric Rossi, Familles Rurales
- Le projet a également irrigué les organisations partenaires, qui ont gagné en autonomie sur le sujet de la coopération au fil du projet, et ce malgré l’annulation de nombreuses actions pour raison sanitaire. Par exemple, la GCSCOP a utilisé le fim lors de la journée de ses permanents, la FNCUMA a développé une sorte de photolangage pour questionner la qualité de la coopération au sein des CUMA, les Réseaux Ruraux Normand et Pays de la Loire ont eux-mêmes organisé la 3ème itinérance…
- Certains des collectifs rencontrés lors des itinérances ont témoigné de l’impact positif (voire déterminant dans certains cas) qu’a eu la journée d’échanges avec l’observatoire de l’implicite sur leur action (citons par exemple l’initiative Territoire Zéro Chômeur de Nouvelle Equation à Joinville, Haute Marne, la médiathèque associative La Licorne à Saint Germain Lembron, ou le GAL de Haute Mayenne à Mayenne).
- Enfin, des personnes totalement étrangères au projet nous ont fait part de leur retour lors des événements de diffusion des travaux et notamment du film « Entre les plis ». Ces personnes, acteurs du développement territorial, du développement local et de l’économie sociale et solidaire témoignent de l’importance de la coopération pour mener la transition « écolo-socio-économico-culturelle » des territoires ruraux et de la pertinence des livrables du projet MCDR (le film, les Conf’Echange, la brochure…) pour faire valoir que le développement des territoires passe par le développement des relations et la qualité des relations entre les personnes.
Deux éléments majeurs nous semblent exemplaires dans notre projet et constituent une vraie valeur ajoutée d’ « utilité sociale ».
D’une part, la rigueur que nous avons apportée à ce qu’un projet qui parle de « coopération comme levier de développement » soit lui-même conçu et mené d’une manière exemplaire en matière de coopération, quel que soient les niveaux d’interactions : gouvernance du projet, partenaires, collectifs associés, autres projets MCDR, réseaux ruraux…
D’autre part, nous avons résisté à la demande permanente « d’outils, recettes et bonnes pratiques ». De notre point de vue, ces demandes entrainent nécessairement les simplifications et les cloisonnements qui, au lieu de faciliter la mise en œuvre opérationnelle, la stérilise et lui fait perdre son sens. A l’inverse, nous avons tenu à montrer l’intérêt du chemin, du processus, la nécessité de prendre en compte la complexité sans vouloir la simplifier ou la maitriser. Nos échanges montrent que si certaines structures d’accompagnement sont déroutées par notre approche qu’elles jugent parfois trop « compliquée », les acteurs de terrain que nous avons rencontrés, la plébiscite unanimement.
Nous sommes désormais convaincus qu’il est nécessaire et urgent de faire évoluer drastiquement les structures d’accompagnement de projets (incubateurs, fabriques à initiatives, fabriques territoriales, etc.) et leurs animateurs pour les faire évoluer dans leurs pratiques, apprendre à manager dans et avec la complexité, déconstruire des schémas de management de projet simplificateurs, apprendre à penser processus plutôt que résultat, et remettre la qualité des relations interpersonnelle au premier plan.
Dires d’acteur : « On sait construire des routes, pas relever ces défis. Ce projet vient à point nommé ».
« Bien que le projet vienne percuter assez frontalement les logiques administratives, je voudrais témoigner de son utilité pour l’élaboration des politiques publiques et pour les administrations. Je suis super contente du résultat et je pense qu’il vient à point nommé par rapport à toutes les interrogations et les pertes de repères, qu’il peut y avoir au sein des collectivités et des institutions publiques, aussi bien chez les fonctionnaires que chez les élus. On sait construire des routes… mais répondre aux défis auxquels nous sommes confrontés, les transitions, le digital… On ne sait pas faire et ce projet vient à point nommé et est profondément intéressant. L’implicite et la maturité coopérative sont des concepts auxquels nous ne sommes pas acclimatés, qui sont même assez perturbants, alors qu’ils sont vraiment nécessaires. Le projet révèle les bienfaits de la coopération et de la prise en compte de l’implicite et c’est vraiment ce dont on a besoin dans la conception des politiques publiques pour aller vers plus de construction. Le travail qui a été fait, et la manière dont il a été fait, sont de vraie utilité publique. Et je sens bien que ça percole petit à petit. Oui, c’est du travail de longue haleine. Mais il y a peu à peu un éveil, une ouverture, un intérêt à ce genre de choses. Vous avez à la fois touché les personnes dans l’intime, avec le film « Entre les plis », les illustrations symboliques…, et les livrables méthodologiques sont très tangibles, réalisés avec une grande rigueur. Ce ne sont pas juste des rapports d’étude mais des livrables qui outillent vraiment. » Patricia Andriot, Agence Nationale de la Cohésion des Territoires
Dires d’acteur : « A force de répéter mon geste coopératif, ça s’est fait naturellement »
« Pendant les presque 4 années du projet, j’ai eu la chance d’organiser l’animation du réseau rural à travers ce projet. Je me suis sentie grandir professionnellement et personnellement. J’ai vraiment eu besoin de ce temps, de ces répétitions et d’éprouver nos apprentissages concrètement dans mon quotidien, dans mon travail. A force de répéter mon geste coopératif, ça s’est fait assez naturellement. Par exemple, ça m’a amené à créer un dispositif d’aide à la mobilité durable en y intégrant le droit à l’erreur et le droit à l’expérimentation. J’ai aussi réussi à utiliser ces apprentissages pour la réorganisation de notre direction après les élections régionales. C’est la première fois qu’une réorganisation se fait en coopération, et en prenant en compte le ressenti de chacun. Nous y avons intégré cette volonté d’accompagner les territoires en dépassant le seul soutien financier, par exemple en travaillant ensemble sur notre offre commune entre régions, institutions et territoires. On va voir ce que ça donne, mais mes collègues et moi trouvons le processus vraiment hyper intéressant. Ça a allumé des lumières. » Marion Gaonac’h, Réseau Rural Pays de la Loire
Transmettre n’est pas expliquer
Venons-en maintenant au défi qui demeure. Le projet MCDR a permis de développer de très nombreux médias de diffusion de ce la connaissance produite. Nous avons souhaité développer des formes d’expression variées, de manière à toucher différentes cibles d’acteurs : illustrations, articles, vidéos, brochures, webinaires, film, jeu, brochure, ouvrage, journaux d’itinérance…
Mais expliquer n’est pas communiquer. Comme nous l’avons exposé plus haut, il est nécessaire d’être en coopération pour transmettre la coopération. La dire ne suffit pas. Ce chemin commence toujours par soi-même. Et lorsqu’on le pratique de manière authentique, on développe alors la coopération inconditionnelle, celle qui peut permettre de coopérer avec de non-coopérants.
Dires d’acteur : « L’enjeu, c’est de construire un savoir chaud et vivant »
« Je suis ravi d’avoir cet outillage à portée de main pour m’en saisir. Et à mesure que les gens nous appellent pour intervenir et présenter les résultats du projet, comment éviter un côté « catéchisme » ? L’enjeu est de s’approprier ce savoir pour ne plus être dans la lecture de la Bible et de ses psaumes mais de faire de cette connaissance un savoir chaud et vivant. » Paul Bucau, RNMA
Dires d’acteur : « Ça commence par moi, et ça demande beaucoup de répétitions »
« Ce projet m’a énormément impactée, sur la personne que je suis, au travail, mais aussi dans ma vie. Je suis absolument convaincue que je reste Dorothée tout le temps, 365 jours par an et donc que je sois au travail, ou à la maison, c’est toujours moi, ce que je suis, ce que je ne suis pas. Durant le projet, j’ai participé à une étape d’itinérance, j’ai vu et revu le film, j’ai suivi moi-même la formation aux côtés des porteurs de projets de tiers-lieux… Il y a eu beaucoup de répétitions et ce n’était pas de trop pour vraiment m’approprier l’ensemble des notions. J’en suis à la phase où maintenant je sème ces graines, pour mettre les gens en état de pouvoir coopérer avant même d’essayer de coopérer. Ce n’est pas en disant « C’est génial, maintenant on va coopérer et je vais vous dire comment. » C’est en leur faisant vivre le processus que j’ai vécu, grâce à ces outils, ces livrables que nous avons produits, et de différentes manières. Faire vivre cette expérience pour que à leur tour, ils se rendent compte que « Ah, il y a quelque chose que je pourrais moi aussi m’approprier dans mes projets, dans mon quotidien, et même au-delà, dans ma vie. » » Dorothée Cognez, Familles Rurales
Dires d’acteur : « Le regard que j’ai sur l’autre détermine ma capacité à coopérer »
« J’ai été tellement influencé dans mon adolescence par la pop-culture américaine que je vis ma vie comme si j’étais un super-héros ! Mais pour qu’un super-héros existe, il faut qu’en face il y ait plein de super-méchants. Mais c’est difficile d’être un super-héros, je touche en permanence les limites de ma propre puissance. C’est dur de ne pas réussir et ça me charge de colère… Du coup, je suis presque prêt à passer du côté des super-méchants !… Je suis sans arrêt obligé de me contrôler, de revenir sur moi, de me remettre en question… Et puis lors de l’itinérance en Mayenne, je participe à une rencontre de l’Observatoire de l’Implicite. Et là… Boom… Toutes mes pratiques, les manières de faire que j’ai élaborées d’instinct, me tombent dessus et m’apparaissent explicitement. Grâce à tout ce que vous apportez comme contenu théorique, d’un coup, je me retrouve porteur d’un nouveau pouvoir : on va pouvoir rentrer dans une nouvelle phase, ça va tuer la confrontation et le conflit. Génial. Magnifique, grosse bouffée d’air, espoir incroyable : l’impression d’avoir compris et d’être arrivé au sommet de la montagne. Et puis… Patatras… J’ai compris, mais la grosse difficulté que j’ai c’est que je ne suis pas soigné de mon syndrome de super-héros, et je n’arrive pas encore à changer l’image que j’ai des super-méchants ! Il y a donc à la fois un bonheur véritable et un épanouissement personnel très important, mais aussi frustration : le regard que j’ai sur l’autre va être déterminant sur ma capacité à coopérer ou pas, et le chemin à parcourir pour réussir à me transformer, cette histoire de changement anthropologique, me semble infini. » Arnaud Mallier, Payasoloco
Dires d’acteur : Ne pas dire la coopération, mais être en coopération
« Une question me préoccupe beaucoup : l’effort qu’on pourrait mettre à transmettre une parole pourrait nous faire oublier de la vivre et d’incarner cette parole, d’être cette parole. J’ai avancé sur ce chemin, entre dire et être. Lorsque l’on dit que la coopération est une source de développement : la force, l’énergie, le bien-être, le plaisir, le bonheur, l’émotion, etc. ne viennent pas de notre capacité à dire la coopération, mais bien à la vivre. C’est là que la coopération devient irréversible et contagieuse. Nous en avons vu la preuve vivante dans plusieurs collectifs et territoires lors de nos itinérances. C’est devenu une conviction extrêmement solide et forte. » Patrick Beauvillard, Institut des Territoires Coopératifs
Dialogue, Covid et illusion numérique
La qualité de la coopération est directement liée à la qualité de relation entre les personnes, à la capacité à apprendre à dialoguer (et non pas à débattre, ou à convaincre). Cette capacité a bien sûr été mise à mal par la période sanitaire : les confinements bien sûr, mais aussi les gestes barrières qui réduisent encore plus notre capacité d’échanges.
A ces contraintes, certains pourraient penser que la technologie apporte une réponse. La facilité technologique peut amener certains à imaginer pouvoir travailler la dimension anthropologique de la coopération à distance.
C’est pour nous une illusion. Lors de la période de diffusion des travaux, nous avons été sollicités pour organiser des Conf’Echange (nos conférences interactives) par visio. Après avoir accepté au début, nous avons fini par refuser car ces dispositifs, s’ils donnent l’impression d’avoir « fait le job », n’ont pas l’impact (et ne peuvent pas l’avoir pour des raisons qu’il serait trop long d’exposer ici) attendu.
Les livrables réalisés (https://instercoop.fr/mcdr)
Sur la « Production » de connaissance
- 1 Kit de présentation de la Maturité coopérative, avec ses illustrations symboliques (accès libre)
- 1 Film documentaire de 90 minutes « Entre les plis » (70 heures de rushes) (accès libre)
- 1 Livret méthode « Faire de la coopération une source de développement » (accès libre)
- 1 Jeu « Coopérer ! », disponible auprès des partenaires et de l’association Payasoloco
- 1 cycles de 4 Webinaires « Comment mettre la coopération au cœur de votre écosystème territorial ? » (accès libre)
- 4 itinérances ont été menées pour éprouver le concept de maturité coopérative (de Charleville-Mézière à Dijon, de Aurillac à Bourbon l’Archambault, de Laval à Essay, de Besançon à Cluny)
- Des articles (Réseau Rural, Familles Rurales, FNCUMA, CPE, AVISE…)
Sur la « Mise en œuvre » de cette connaissance
- 43 Collectifs ont éprouvé leur maturité coopérative avec l’Observatoire de l’Implicite
- 12 porteurs de Tiers-Lieux du programme Port@ail ont bénéficié d’une formation à la coopération
- 41 personnes ont accompagné l’Observatoire de l’implicite sur une étape d’itinérance
- 250 personnes ont suivi le cycle de Webinaire en direct.
Sur la « Diffusion » de cette connaissance
- 4 journaux d’itinérances ont été publié avec le parcours, les collectifs rencontrés, des chroniques quotidiennes et les vidéos de la clôture de la rencontre par les acteurs.
- 21 Conféchanges sur « Faire de la coopération une source de développement »
- 25 projections publiques d’ « Entre les plis » puis débat. Le film est désormais en accès libre sur internet.
- 100+ personnes ont joué à « Coopérer ! »
- 6000 Livrets « Faire de la coopération une source de développement » distribués