Institut des Territoires Coopératifs

Colloque du 30-01-18 : Foire Aux Questions

Colloque de restitution des travaux sur les

« Principes d’action de la coopération »

La compréhension élargie, pour saisir les signaux faibles
La Maturité Coopérative : levier de résilience

 

Via le mur interactif, certains participants ont posé des questions. Nous y répondons sur cette page.

Je vois comment cette méthode peut aider à des organisations à coopérer, et aussi des organisations à se transformer dans le sens de la coopération mais pourrait-on envisager cela comme une méthode de management des équipes salariés et bénévoles d’une entreprise D’ESS ?

Absolument. Nous pensons les principes d’action de la coopération comme applicables à n’importe quel groupe d’acteurs, appelés à œuvrer ensemble, c’est-à-dire appelés à être co-auteurs de l’œuvre créée. Cette vision de l’entreprise est inscrite dans les fondamentaux d’une entreprise d’ESS, qui s’appuie sur une « gouvernance démocratique et participative » (avec la réserve qu’une telle gouvernance n’est pas systématiquement coopérative au sens que nous donnons à ce mot).  Pour une telle entreprise, chercher à développer sa maturité coopérative est pertinent. D’ailleurs, nombre de méthodes de management (par exemple les méthodes Agiles, l’holacratie, la sociocratie, les entreprises libérées…) ne pourront être effectives que si l’entreprise a une bonne maturité coopérative : développer les outils sans travailler les fondations est souvent contre-productif.

Les entreprises de l’ESS ont également une caractéristique que vous soulevée : elles associent des personnes à statut multiple (salariés, bénévoles, élus, membres de droits…). Certains principes d’action traitent spécifiquement de cette situation, souvent ignorée des méthodes classiques de management.

Et ne limitons pas le champ d’application de la maturité coopérative aux seules entreprises de l’ESS. De nombreuses entreprises marchandes savent que leur développement dépend de leur capacité à mettre en place un système réellement coopératif en interne, mais également à participer à des systèmes coopératifs ouverts, avec des clients, des partenaires, parfois même des concurrents. Là encore, concurrence et coopération sont deux logiques tantôt complémentaires, tantôt contradictoire et la maturité coopérative permet de maintenir la relation entre ces deux logiques. Pour exemple, l’InsTerCoop accompagne actuellement le développement de la maturité coopérative d’une PME de 80 personnes du secteur marchand.

Et qu’en est-il avec des entreprises dans le secteur marchand ?

La question ne permet pas vraiment de savoir à quoi vous faîtes allusion… Nous la prenons donc comme : qu’en est-il de la coopération dans le secteur marchand ?  Dans nos itinérances un gros tiers des collectifs rencontrés se positionne dans le secteur marchand. Nous voyons un désir de coopération autant dans des environnements marchands que non marchand. La recherche de coopération n’est pas incompatible avec un environnement concurrentiel. Nous sommes en présence d’une dialogie, et la réponse se trouve dans une capacité à prendre en compte l’un et l’autre de manière cohérente avec les personnes, la situation et son environnement. C’est la maturité coopérative qui permet de détecter cette ambivalence, de formuler les questions qui se posent et de discerner de manière situationnelle la juste mesure du positionnement à adopter.

Comment aborder en « sécurité » l’introspection personnelle. Est-ce le lieu en entreprise. Où est la limite ?

L’introspection est une faculté humaine qui peut se définir comme l’accès à nos propres états et contenus mentaux, assorti d’une certaine capacité à les communiquer à autrui : chacun de nous sait décrire plus ou moins son humeur, les étapes d’un raisonnement, les associations d’idées pour peu qu’il les conscientise et le décide. C’est de l’introspection parce que ce sont des choses liées en tout premier lieu à des représentations internes accessibles au sujet lui-même. Cette faculté permet une compréhension humaine des choses, complémentaire à la seule compréhension intellectuelle, et que nous appelons compréhension élargie. Il s’agit pour nous de dire que c’est important de l’aborder en conscience, de prendre en compte les signaux faibles qui en émergent, qui de toute façon feront leur travail de manière sous-jacente. En entreprise comme ailleurs, chacune et chacun est porteur de cette capacité et là comme ailleurs il est dommageable de s’en priver au motif de s’en protéger. Nous ne sommes pas habitués à nous prendre en compte de cette manière. La première limite est la représentation que l’on a de l’introspection et de celle-ci dans l’entreprise : introspection ne signifie pas indiscrétion.

Merci de rendre visibles ces implicites ! Je retiens l’idée d’être co-auteurs. Ma question : dans le cadre de coopérations qui en sont au stade « naissant », ou dans des moments de transformations (départs et arrivées de personnes), il est parfois difficile pour chacun des co-auteurs d’être en conscience de ses attentes/besoins/cadres de référence, comment conseillez- vous de procéder pour mettre l’implicite « sur la table » et bâtir des fondations solides ?

Le chapitre 3 de notre rapport détaille intégralement le protocole que nous utilisons, les questions que nous posons, la manière dont nous les posons, et les raisons pour lesquelles nous les posons. Ce protocole est totalement adapté à votre demande : notre conseil, pour un groupe qui souhaitent bâtir de solides fondations, serait de commencer par s’appliquer ce questionnement à lui-même.

Comment ce modèle intègre les profils des nouvelles générations ? Comment les jeunes générations vivent déjà la coopération et qu’elle en est leur vision ?

Notre approche n’est pas générationnelle ; elle est anthropologique. Nous ne questionnons pas une personne pour connaître sa vision de la coopération, nous l’amenons à se questionner sur la manière dont elle vit (ou pas) la coopération. Les générations nouvelles et les jeunes sont avant tout des humains avec les mêmes capacités et façons d’être que les « anciens ». Dans les collectifs rencontrés nous avons eu tous les âges et toutes les générations confondues. Nous constatons que les principes d’action ne sont aucunement liés à l’âge des acteurs. Au contraire, nous pensons mettre en évidence l’universalité de ces principes d’action.

Il me semble que l’Education Nationale pourrait ouvrir un grand chantier sur le sujet. Développer de réels projets d’établissement, faire durer des projets dans les classes… est souvent très difficile. L’implicite est en général tabou…. En tant que prof, pour moi, ça a été une difficulté majeure.

Cette question renvoie à la question ci-dessus concernant l’introspection et les réticences que l’on peut avoir à la mettre en œuvre dans certains environnements (entreprise, école…).

Interpellé par la question du changement d’échelle qui me semble inapproprié pour les questions de coopération. Je parlerais davantage de rhizome, d’essaimage organique, d’octroi de temps libre pour tous, c’est à dire d’un revenu universel libératoire…

Rhizome ou essaimage organique nous conviennent bien pour qualifier ce que d’autres appellent changement d’échelle. Nous voyons également un risque à utiliser des termes comme changement d’échelle, modélisation, industrialisation… qui pourraient nous éloigner de cette attention à la relation et à l’implicite. Mais ce sont les termes employés : à nous d’en préciser le sens que nous leur donnons.

Octroi de temps libre pour tous et revenu universel libératoire nous apparaissent là plutôt comme une opinion qui peut dépasser la question de la coopération (et c’est également une opinion). Si l’on voit la coopération (au sens d’être co-auteur) comme un levier d’émancipation, et que l’on souhaite qu’elle se propage, alors développons la maturité coopérative de nos territoires et organisations, et faisons-en une capacité humaine à développer et à pratiquer.

Comment le droit du travail et la relation de subordination actuelle dans l’entreprise est compatible avec la coopération

La coopération n’est pas incompatible avec droit du travail et lien de subordination. Il faut faire une distinction entre le rôle, la position hiérarchique et les responsabilités liés au contrat de travail d’une part, et la capacité à coopérer dans la relation quelles que soient la personne et la situation. Cela rejoint un des 12 principes d’action de la coopération : « entre identité de rôle et l’identité propre ou intégré ». D’une manière plus large, cela rejoint également la maturité coopérative qui permet de développer une coopération inconditionnelle.

Bravo chers collègues ! Belle performance et bonne démonstration. Il faut vraiment que nous fassions une passerelle entre nos travaux : beaucoup de choses communes, beaucoup de complémentarités. Je trouve que la dimension territoriale pourrait notamment être développée.

Nous vous suggérons de lire notre rapport complet, et notamment nos journaux d’itinérance. Une grande partie de notre travail a été de mettre en évidence l’impact de certaines configurations territoriales sur les aptitudes coopératives. Ces liens sont intéressants en eux-mêmes, mais notre objectif est de développer des méthodes qui permettent aux acteurs de faire, par eux-mêmes, ces liens, et notamment d’envisager les récursions entre les dimensions territoriales, collectives et individuelles.

L'InsTerCoop est un laboratoire d’action-recherche sur le processus coopératif, et un centre de ressources et de ressourcement au service des personnes, des organisations et des territoires pour croître en maturité coopérative et faire de la coopération une source de développement et d’épanouissement.