Institut des Territoires Coopératifs

La coopération en elle-même

La coopération, expression sociale de la complexité

La coopération n’est pas (qu’) une méthode

Pour certains, la coopération est une méthode : coopérer est nécessaire pour améliorer la performance. C’est par exemple la vision reprise par le glossaire développé ici : https://www.cap-immateriel.fr/glossaire/. Elle est un moyen pour atteindre un but. Ce n’est pas faux. Les biologistes ont montré que la coopération est omniprésente dans toute la nature et qu’elle permet aux espèces de se renforcer, et les anthropologues qu’historiquement, « les groupes fortement coopérateurs ont davantage survécu que les groupes faiblement coopérateurs[1] ». Les mathématiciens à leur tour ont montré que la coopération est la stratégie qui permet de fortifier le plus ses acteurs[2]. L’américaine Elinor Ostrom a montré que seule l’action collective, la coopération de tous les acteurs et leur auto-organisation à chaque fois adaptée au contexte local, permet de faire respecter les biens communs[3]. D’ailleurs, le géographe Bernard Pecqueur affirme que le « territoire est construit par ses acteurs, et que sans coopération, il n’y a pas de territoire[4] ». Nous coopérons donc parce que nous en tirons un bénéfice.

La coopération, expression sociale de la complexité

Portons-nous à un autre niveau. Nous avons déjà évoqué que les transitions sont toutes liées entre elles et nous font entrer de plain-pied dans le domaine de la complexité, prise au sens de son étymologie qui signifie « ce qui est tissé ensemble ». Traiter cette complexité impose d’associer chacun des acteurs, dans une démarche transverse et transdisciplinaire, de co-opération. La coopération est donc indispensable pour relever les défis, complexes, de nos sociétés, tant à l’échelle mondiale qu’au niveau local. Dès que nous tentons de traiter la complexité, nous coopérons de fait. En ce sens, la coopération n’est plus une méthodologie, ou une manière de faire. La coopération est l’expression sociale de la complexité, elle en est consubstantielle.

De la même façon qu’une fabrique des transitions doit être en mesure de se saisir de la complexité en tant que telle, elle doit être également en mesure de se saisir de son expression sociale, la coopération, en tant que telle également. Elle ne doit plus l’appréhender comme une méthode, mais sous un angle anthropologique et ontologique. C’est à cette condition qu’elle peut être réellement au service du vivre, penser et agir en complexité[5]. Pourtant, l’idée est tenace que la coopération va de soi à partir du moment où l’on s’embarque dans un projet collectif, sans avoir besoin de s’en saisir comme un sujet à part entière. On parle coopération, on feint (souvent en toute bonne foi) la coopération, on utilise les outils de la coopération, peut-être même collabore-t-on, mais on n’est pas (au plein sens du verbe ETRE) en coopération, c’est-à-dire co-auteurs d’une œuvre commune.

Priver la coopération de sa dimension anthropologie et la réduire aux questions de manière de faire ou d’outillage, c’est la priver de son potentiel de transformation sociale, alors qu’elle peut devenir le principal levier de résilience et d’auto-éco-re-organisation des systèmes.

Références

[1] Joël Candau, Pourquoi coopérer, Terrain, 2012, n° 58, pp. 4-25.

[2] Robert Axelrod ; William D. Hamilton, The Evolution of Cooperation, Science, New Series, Vol. 211, No. 4489. (Mar. 27, 1981), pp. 1390-1396.

[3] Elinor Ostrom, Governing the commons, Cambridge University Press, 1990

[4] Bernard Pecqueur, lors d’une table ronde avec Anne Beauvillard sur le thème « Qu’est-ce qu’un territoire coopératif ? » organisée par Clus’Ter Jura, le 27 juin 2018.

[5] Sur ce sujet, nous recommandons la lecture de deux articles. Celui de Dominique Genelot « Agir-Penser en complexité : d’abord questionner le processus de construction de notre pensée »,  http://www.intelligence-complexite.org/fileadmin/docs/1812genelot.pdf et celui d’Ousama Bouiss, Doctorant en stratégie et théorie des organisations à l’Université Paris Dauphine paru dans « The Conversation » : Dix principes pour penser dans un monde complexe, https://theconversation.com/dix-principes-pour-penser-dans-un-monde-complexe-107548

L'InsTerCoop est un laboratoire d’action-recherche sur le processus coopératif, et un centre de ressources et de ressourcement au service des personnes, des organisations et des territoires pour croître en maturité coopérative et faire de la coopération une source de développement et d’épanouissement.